Sur cette page tous les mots en gras renvoient à un court extrait vidéo ou une photo.
Pour visualiser click sur le mot
QUELQUES CARACTERISTIQUES des MARCHANDS
Au XVIIIème, XIXème et début du XXème, les conditions de vie dans nos campagnes auvergnates étaient difficiles. Le climat rigoureux, les hivers longs pouvant durer de novembre à mai, les familles nombreuses, les fermes trop petites pour nourrir tout le monde sont les causes de départ pour de nombreuses personnes. Les plus audacieuses sont parties tenter leur chance dans des régions bénéficiant de plus de richesses, d’industries et de ressources diverses.
Selon Alfred DURAND (1946) : « Beau parleur, doué d’une intarissable faconde, le marchand jauge son client – ou mieux sa cliente – du premier coup d’œil ; suivant le milieu social, le caractère, le langage, il dresse son plan d’action, parfois fait de rouerie, pour vendre sa marchandise. Cette dernière est habilement présentée, ses qualités mises en évidence ainsi que son bon marché. »
Le marchand a donc un sens inné de la psychologie, il a le goût du contact humain et il développe un grand climat de confiance avec ses clients. Il vend des produits de qualité. Il connaît parfaitement tous les membres de la famille de son client et sait à quel moment il est temps de penser à constituer le trousseau de la fille. Il anticipe les besoins et envies et s’adapte à la demande du client, si celui-ci veut des vêtements de travail il vend des vêtements de travail, ou des bâches agricoles chez les agriculteurs….
Le bon marchand a une clientèle fidèle (il fait des ventes sur plusieurs générations de la même famille) qu’il visite régulièrement (en général une fois l’an). Très tôt le marchand propose la vente à crédit sans frais, ce qui constitue un gros avantage par rapport à ses éventuels concurrents. Il adapte ce crédit aux possibilités du client : paiements réguliers (mensuels) pour les clients ayant des rentrées régulières (exemple des fonctionnaires) et 1 ou 2 fois par an, en fonction des récoltes, (agriculteurs ou vignerons).
Comme l’ont révélé plusieurs témoignages le marchand fait presque partie de la famille et ne se contente pas de vendre des produits mais il sert aussi de confident et de conseil.
Si les premiers marchands ont développé leur clientèle en faisant du porte à porte, les suivants ont eu recours à des pilotes : personnes très implantées dans le pays, connaissant bien la population et qui présentent le marchand à de bons clients lors d’une première prise de contact. Si une vente se fait avec ce nouveau client le pilote reçoit un intéressement de la part du marchand. Le contact étant établi le marchand entretient ensuite seul sa clientèle. Pour l’étendre il fonctionne ensuite sur recommandations : ses clients lui indiquent un membre de leur famille ou un voisin digne de confiance.
Pour les générations plus récentes si la clientèle n’est pas transmise par les parents elle est rachetée à un marchand qui souhaite prendre sa retraite. Certains marchands actuels ont ainsi racheté plusieurs clientèles et non contents de voyager dans un secteur, sillonnent une bonne partie de la France. Certains marchands suivent les voies de communications : écluses, voies de chemin de fer, ….
Dans beaucoup de cas les marchands voyagent en couple. La présence de la femme est un gage de confiance pour le client. D’ ailleurs après la disparition de leur mari certaines femmes ont continué le commerce seules avec, souvent, un chauffeur pour la conduite de l’automobile. Dans le cas du commerce en couple les enfants, dans un premier temps, restent à la garde des grands parents et plus âgés sont mis en pension.
Pour la succession 2 cas de figures : Certains enfants ont naturellement pris la suite de leurs parents et ont exercé le même métier de marchand en récupérant, ou non, la clientèle des parents. Dans d’autres cas, très nombreux, les enfants ont fait des études souvent brillantes et ont ensuite occupé des professions libérales (médecins, pharmaciens, avocats,……), soit une importante ascension sociale.
En ce qui concerne les tournées, initialement les marchands partaient de leur lieu d’origine à l’automne et ne revenaient qu’au printemps. Les tournées s’effectuaient soit en suivant un parcours dans une région donnée en allant d’hôtel en hôtel, soit en ayant un point fixe et en rayonnant autour en étoile.
A l’époque héroïque, l’hébergement du cheval revenait pratiquement aussi cher que celui du marchand.
Par la suite, pour les générations plus proches de nous, les marchands se sont le plus souvent fixés dans un endroit au centre de leur tournée en investissant dans une résidence, devenue leur résidence principale.
Les marchands sont très attachés à leur lieu d’origine (leurs racines) et pour eux les beaux jours ne se conçoivent pas sans un retour au pays. Ce retour dans le lieu d’origine pour l’été était l’occasion, dans les premiers temps, d’effectuer les travaux des champs, par la suite c’était le moment de prendre du bon temps mais aussi de bien préparer la nouvelle saison marchande en recevant les représentants, voire les patrons, des usines de leurs fournisseurs, dans les hôtels de leur village. Tous les hôtels de la « terre sainte » se souviennent encore de cette période bénie. Avec le temps les achats se sont de plus en plus effectués lors de la Foire de BORT les ORGUES et les représentants ont un peu déserté les villages.
La réussite de cette profession est largement attestée par les belles maisons qu’ils ont fait construire dans leurs villages d’origine, situées sur les routes principales et bien mises en évidence aux entrées des dits villages. Pour certaines maisons le style des constructions correspond au style des constructions de leurs lieux de tournées.
La période faste pour la profession est sans conteste l’entre-deux guerres. En 1936 le comité d’organisation de la 1ére foire de BORT revendique 3500 membres.
Le marchand déjà établi met le pied à l’étrier à beaucoup de jeunes de sa connaissance (lien avec le lieu d’origine), il les emploie comme commis puis les aide à s’installer en leur consentant des facilités de paiements et/ou en leur cédant une partie de leur clientèle.
Si à l’origine le marchand ne vendait que de la toile certains ont ensuite évolué en étendant leur gamme de produits à la literie, aux meubles et à la décoration ainsi qu’à l’électroménager. Ce qui a conduit, dans certains cas, à une sédentarisation (vente en magasin).
Le marchand de toiles change d’appellation et devient Négociant Voyageur. Alors que l’individualisme était de règle dans ce métier Jules MALGAT et un groupe d’amis proches ont l’idée d’organiser la profession en créant le premier syndicat à Condat en 1920.
En 1936 est créée la Fédération des Négociants Voyageurs ainsi que le salon de Bort-les-Orgues, salon professionnel fournisseurs et négociants (36 à 39).Malgré une interruption pendant la guerre (reprise en 1954), se tiendra en juillet 2009 le 60éme salon. On assiste à la création de commissions d’achat : textile en 1960, ménager en 1967 et meubles en 1968. Dans le même temps création de 2 sections de formation de Négociants voyageurs au lycée de Bort.
La Fédération des Négociants Voyageurs a édité pour ses adhérents un magazine qui s’est d’abord appelé reflets d’Auvergne puis Négoce Avenir.
En 1970 lancement du groupement d’achats ‘CENTRACHAT’. En 1988 création de CAMEXPRESS avec le crédit agricole de CONDAT.